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Jusqu’à la maladie qui l’a emporté, Philippe Thill n’a jamais  voulu vendre ses œuvres intimes.
      Dans son atelier du Domaine de la Forêt, elles lui donnaient  vie jour après jour.
      Entouré de leurs présences sur les murs et les stèles, elles  étaient sa seconde peau, celle, si vulnérable et si tendre, qui avait besoin de  protection et qui le protégeait. Ses créations inscrivaient l’affleurement de  la vie arrachée au néant, à la nuit noire dont il ne supportait pas la  sensation. Les fenêtres de sa chambre ont toujours été sans rideau pour que la  pulsation du monde ne s’éloigne jamais totalement de lui. 
Après la ferme-château près de Nemours, devenue trop vaste,  un seul lieu au monde l’attirait : Cassis.
      Là, mer, roche et terre rude gorgée de soleil faisaient  miroir avec son oeuvre.
      Ces dernières années, son souci était que ses œuvres  continuent leur vie et la sienne, tissent avec d’autres les liens qui les  unissaient à lui : un victoire paisible sur tout ce qui détruit, une  respiration sereine, un rythme ample allant s’écrire en lignes et en volume.  Ces œuvres, dans leur singularité absolue, créent cependant écho chez le  spectateur, écho-signe de cette conjonction unique entre universel et  profondément personnel que l’on appelle le style. Philippe Thill était en effet  un créateur : un homme dont l’équilibre interne était toujours un peu en porte  à faux, sur un chemin de crête toujours perdu et toujours retrouvé, quelles que  soient les chutes momentanées dans les précipices avoisinants.
      Alors durera-t-il ?
      Une soixantaine d’œuvres monumentales que des commandes lui  ont permis de réaliser ont subi de lourds dommages. Son œuvre intime, elle, si  préservée, rejoindra-t-elle le Musée imaginaire dont Malraux revendique le  caractère illimité et où, dit-il, ״chacun découvrira, qu’il le veuille ou non,  son propre Trésor״ ?
      Il ne peut pas en être autrement.